En date d’aujourd’hui, Jean-Sébastien Giguère est le dernier à l’avoir fait. Le dernier à avoir mis la main sur un trophée, le Conn-Smythe, après s’être retrouvé dans le camp des perdants.

De ce moment, une photo est restée, intemporelle et immuable: celle d’un Giguère au regard sombre, épuisé par la déception, qui accepte du commissaire Bettman ledit trophée, mitaine encore accrochée à la main gauche.

La photo date de juin 2003, et elle a été prise quelques instants après la sirène finale, celle qui a permis de couronner les Devils du New Jersey. Dans une cause perdante, Giguère, le gardien des Mighty Ducks d’Anaheim, avait tout de même pu hériter du titre de joueur le plus utile des séries éliminatoires, le cinquième «perdant» de l’histoire de la LNH à hériter du trophée en question.

De toute évidence, il n’y a aucune trace de bonheur sur cette photo, et 16 ans plus tard, Giguère confirme qu’en effet, il n’a eu aucun plaisir à mettre la main sur ce trophée, pendant que de l’autre côté, à quelques coups de patin, les joueurs des Devils célébraient avec des casquettes de champions sur la tête.

«Quand tu perds la Coupe Stanley et que tu gagnes le Conn-Smythe, sur le coup, ça ne veut rien dire, explique-t-il au téléphone. Tu ne penses pas à gagner un trophée pour un honneur individuel quand tu te retrouves en finale. C’était le septième match de la série en plus…

«On a donné la main aux Devils et, ensuite, il y a un employé de la Ligue nationale qui m’a demandé de rester là, parce que je venais d’être élu le meilleur joueur des séries. J’étais un peu sous le choc, je ne savais pas comment réagir.»

«Ce fut un drôle de moment. Je suis resté sur la glace à attendre pendant que tous les autres joueurs de notre équipe sont rentrés au vestiaire. Tu ne rêves pas à ce moment-là quand, plus jeune, tu joues au hockey dans la rue avec tes amis; tu rêves de gagner la Coupe Stanley. Alors moi, quand on a perdu, je voulais juste rentrer au vestiaire avec les gars.»

Le gardien québécois se souvient qu’il ne s’est pas trop attardé sur la glace au moment de recevoir son prix, pourtant prestigieux.

«Gary Bettman m’a donné le trophée, et je suis rentré avec au vestiaire. J’ai déposé le trophée sur la table des soigneurs et je l’ai laissé là. Je n’allais pas rentrer dans la chambre avec ça à bout de bras. Ça a pris 45 minutes avant que les gars réalisent que je venais d’être élu le meilleur joueur des séries. Dans le vestiaire, la moitié des joueurs braillaient, il y en avait deux ou trois qui se demandaient si ce n’était pas la fin de leur carrière… Je pense qu’il s’est écoulé 20 minutes avant que quelqu’un ne finisse enfin par dire quelque chose.»

Enfin la Coupe Stanley

Le goût amer de ce Conn-Smythe est longtemps resté dans la bouche de Jean-Sébastien Giguère. En fait, ce goût a fini par disparaître complètement quatre années plus tard, quand il a enfin pu gagner le plus gros trophée, celui qu’il désirait vraiment.

«Sans doute que notre conquête de la Coupe Stanley en 2007 m’a permis de mieux apprécier mon Conn-Smythe, admet-il. Aussi, sans 2003, il n’y aurait pas eu de 2007 pour notre équipe, parce que c’est l’expérience qui avait été acquise qui nous a aidés; nous étions déjà passés par là.

«C’est pourquoi c’est facile de voir un avantage du côté des Bruins pour le septième match de la finale: parce qu’ils sont passés par là. Tuukka Rask n’a jamais gagné la Coupe comme gardien partant. Il l’a perdue comme partant en 2013 et je suis sûr qu’il s’en souvient.»

Ce qui nous ramène au plus petit des deux trophées qui seront distribués ce soir par le commissaire. Déjà, on laisse entendre que Rask, à moins d’une énorme surprise, devrait mettre la main sur le Conn-Smythe. Gagne ou perd…

«Je suis sûr que Rask ne pense pas du tout à ça, répond Giguère. Lui, ce qu’il veut, c’est la Coupe. Si j’avais un vote pour le titre de joueur le plus utile des séries éliminatoires, c’est lui qui l’aurait. C’est un vote pour l’ensemble des séries, on a tendance à l’oublier, pas juste pour la finale. Et je trouve qu’il a été le meilleur joueur depuis le début des séries.»

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

Glenn Hall

Les plus utiles… malgré la défaite

Dans l’histoire de la LNH, cinq joueurs ont été sacrés joueur le plus utile lors des séries malgré une défaite de leur équipe en grande finale.

Roger Crozier gardien, Red Wings de Detroit, 1966

Glenn Hall gardien, Blues de St. Louis 1968

Reggie Leach attaquant, Flyers de Philadelphie, 1976

Ron Hextall gardien, Flyers de Philadelphie, 1987

Jean-Sébastien Giguère gardien, Mighty Ducks d’Anaheim, 2003